Mais le résultat est là : même si les Français ne voient pas toujours clair dans ce jeu, ils en ressentent l’effet et sont de plus en plus nombreux à bouder les autoroutes pour se rabattre sur les réseaux secondaires. Conséquence fatale : un allongement de la durée des trajets, une pénibilité accrue, un temps de vacances perdu, un stress plus grand, bref des conditions de circulation bien plus accidentogène que sur autoroute…

Les critiques adressées aux sociétés concessionnaires d’autoroutes – notamment en 2007 et 2008 - par la cour des comptes ne cessent de pleuvoir depuis la privatisation de 2006 : des hausses de péages indues, le refus de pratiquer toute transparence dans la tarification ou encore une insuffisance chronique des dépenses d’entretien et de modernisation des réseaux - contrainte encore une fois alléguée par lesdites sociétés pour justifier leurs hausses de tarifs !

Bref, les sociétés concessionnaires privées exploitant les autoroutes (construites depuis 60 ans avec l’argent du contribuable) s’inquiètent prioritairement de leur profitabilité tout en cherchant à oublier les servitudes de service public liées à leur activité. Tout pour l’actionnaire, rien ou le moins possible pour le consommateur, lequel est de surcroît prisonnier d’un marché captif ! Comble des combles, les sociétés prétextent « l’acceptabilité » de leurs hausses tarifaires par les usagers, jouant sur le manque d’information du public et sur le fait que les automobilistes n’ont guère la possibilité de faire jouer la concurrence entre sociétés d’autoroutes.

Mais que fait l’Etat me direz-vous ! C’est là le plus étrange… L’inertie des pouvoirs publics est telle qu’on est en devoir de se demander s’il ne s’agit pas en réalité de complaisance ! La liste est longue du défaut de régulation, des gabegies, des cadeaux dont ont bénéficié les bienheureuses sociétés concessionnaires, pour la plupart des multinationales du BTP.

Qu’on en juge :

- les autoroutes françaises ont été cédées en 2006 à la va-vite à ces mastodontes, dans des conditions et à un prix jugés contestables par la Cour des comptes, laquelle avait notamment relevé que la maintien dans le giron public aurait rapporté à la Nation bien plus que le produit médiocre de la vente.

- Depuis, toujours selon la Cour, l’Etat « a mal assuré la protection des consommateurs », laissant les dérapages de tarifs se produire. La création d’un Comité des usagers du réseau routier par une loi l’année dernière n’a même pas permis de remettre de l’ordre car ce comité, comme par hasard, n’a pas été en mesure d’examiner les hausses de tarif. Ainsi, les dernières hausses intervenues ont-elles été calquées sur une inflation nulle, alors même que l’inflation de l’année écoulée était négative ! Les tarifs auraient dû baisser, ils ont en fait légèrement augmenté !

- Ce n’est pas tout : le magazine Marianne a récemment révélé que l’Etat venait de prolonger gratuitement d’une année le droit des sociétés concessionnaires (qui court jusqu’en 2030), ce qui représente un cadeau de plusieurs centaines de millions d’euros.

- Enfin, inutile de préciser que l’Etat ne fait rien pour lutter contre l’opacité des tarifs, la complexité de leur définition, trouvant systématiquement des excuses aux concessionnaires plutôt que de mettre en œuvre les préconisations de la Cour des comptes, sans doute jugée trop partisane dans la défense de l’intérêt général !

Tout ceci ne peut plus durer. Si le scandale du racket autoroutier est insupportable en soi, il dépasse toutes les bornes en période de crise, à l’heure où chacun (surtout les moins favorisés) est appelé à se serrer la ceinture.

Le gouvernement doit au minimum prendre une mesure immédiate et exemplaire : par exemple, la baisse générale des péages autoroutiers de 10% jusqu’à la fin du mois d’août.

Mais il faudra évidemment aller beaucoup plus loin, en remettant complètement à plat les règles régissant les sociétés exploitantes d’autoroutes - tarification transparente et compréhensible de tous, publicité des augmentations, contraintes d’investissements et d’emplois, etc. Cela nécessite une loi nouvelle, élaborée et discutée devant les Français par le Parlement. Avant d’aboutir sur le terrain législatif, ce qui prendra nécessairement quelques mois, une commission d’enquête parlementaire s’impose pour faire toute la lumière sur le racket autoroutier. Ce n’est qu’à ce prix que le fruit de ce bien public que sont les autoroutes, sera enfin rendu à nos concitoyens.

NDA